Pour ceux de mes amis qui ne seraient pas encore au courant: je viens d’atterrir à Osaka, au Japon. Parce que oui, certains de mes amis ne sont pas encore au courant, et vous allez comprendre pourquoi.
Quand j’expliquais mon projet autour de moi, la question suivante était naturellement: “Ah! Sympa! Et pour combien de temps?â€. Et quand je répondais “6 semainesâ€, la réaction était invariablement une grande surprise, suivie d’un “mais pourquoi y vas-tu alors? Vacances? Travail?â€. Ce après quoi j’aimais enfoncer le clou en précisant que je n’avais pris qu’un billet aller simple.
Et la confusion était palpable. Après tout, c’est vrai: soit on part quelque part définitivement, on déménage, soit on part 2 ou 3 semaines pour les vacances. Mais quelle raison pouvait bien justifier un tel voyage, dans un pays si lointain, pour une durée aussi longue, et avec quels moyens?
Alors je me suis dit que j’allais profiter de cet article pour expliquer un peu.
Imaginez que votre métier ne vous lie à aucun employeur fixe, ni même à aucun bureau fixe. Imaginez que vous puissiez gagner votre vie correctement depuis n’importe où, et que tout ce dont vous ayez besoin pour travailler, c’est un laptop et une connexion internet. Imaginez enfin qu’au delà des liens que vous avez tissés avec les personnes qui vous sont chères, rien ni personne ne dépende de vous ou de votre présence physique en un endroit précis (ni même plus votre chat, Yahoo, respect et robustesse mon p’tit père 😢). Si tel était le cas, resteriez-vous là où vous vous trouvez en ce moment? Ou plus exactement, limiteriez-vous votre champ d’exploration à la ville, à la région, ou même au pays où vous vous trouvez?
Et bien figurez-vous (allez-y, figurez-vous!) que ce contexte, ces possibilités, cette indépendance professionnelle et géographique se font de plus en plus fréquentes, et amènent de plus en plus de gens vers un nouveau mode de vie: le nomadisme digital.
Les nomades digitaux, où les DN (Digital Nomads, ndlr) comme on les appelle parfois sont de plus en plus nombreux, ils s’organisent, créent des liens entre eux, constituent des communautés, deviennent la cible de nouveaux services, voire même de nouveaux statuts administratifs, se regroupent dans des espaces de coliving (parce que le coworking, c’est “so 2010â€), créent des groupes de voyage, et ce n’est que le début.
Depuis que j’ai découvert l’existence de ce mode de vie, il me fascine. Et après m’être longtemps renseigné, j’ai décidé de faire un premier test. Après la fin de mon dernier contrat “sédentaire†(traduisez une mission 8 heures par jour chez un client fixe en Belgique, dans un bureau), j’ai décidé de remplacer la recherche d’une nouvelle mission par des contrats qui me permettaient de travailler uniquement à distance et selon mon propre agenda, en tout cas jusqu’à ce que mon activité de formation en ligne prenne intégralement le relai. Puis j’ai fait un premier test de coliving dans les Alpes suisses pendant 4 semaines, un orteil dans l’eau en quelque sorte. L’expérience fut quelque peu “artificielle†(pas beaucoup de monde à cette période de l’année bizarrement), mais en même temps me donna envie de me lancer pour une phase 2.
Et c’est cette phase que j’entame aujourd’hui. Je rejoins un groupe de nomades digitaux qui partagent une spécialité autour du numérique et qui voyagent ensemble et de manière régulière grâce à des organisatrices de choc. Le groupe s’appelle Hacker Paradise, et la première étape de cette aventure me mène à Osaka, au Japon.
Première étape, car j’ai décidé de ne pas me limiter dans le temps ou dans l’espace. Parce que je me suis autorisé à suivre le groupe dans ses pérégrinations si jamais l’expérience était concluante. Ou alors à tester d’autres variantes de ce mode de vie, par d’autres moyens, dans d’autres contextes.
Est-ce que cela signifie que je quitte la Belgique pour autant? C’est plus compliqué que ça. Ce que je préfère dire, c’est que je ne quitte pas un endroit pour m’installer dans un autre, mais plutôt que j’élargis l’endroit où je vis: avant j’habitais en Belgique, et maintenant je vais tenter de vivre sur Terre.
Je vais me faire des amis, mais un peu partout dans le monde. Je vais explorer de nouveaux paysages, mais pas seulement pendant mes vacances. Je vais développer de nouvelles opportunités, mais pas uniquement celles qui me sont proposées.
Donc d’une certaine façon, je ne quitte rien ni personne dans ma tête ou dans mon cœur, je ne m’éloigne de nulle part. Je me rapproche du monde et je m’ouvre à une planète d’horizons riches et mouvants.
D’un autre côté, entendons-nous bien: j’ai toujours mon appartement en Belgique, je suis toujours enregistré en Belgique, et je me suis également autorisé l’éventualité que cette expérience soit un échec, que la réalité rattrape les fantasmes, partiellement ou totalement, et que je doive rentrer pour réévaluer mes options. Mais si je le fais, ce sera un choix, pas une solution par défaut, pour coller aux conventions, ou pour rassurer à outrance mon petit enfant intérieur éternellement effrayé.
Parce que ce voyage, cette aventure dans laquelle je m’engage, c’est aussi une expérience initiatique évidemment. Parce que toute la première partie de ma vie, j’étais un aigle déguisé en ours, qui essayait de ne pas trop faire de vague, de ne pas prendre trop de place, qui donnait parfois ce qu’il avait l’impression qu’on attendait de lui plus vite que ce à quoi il aspirait vraiment. Mais aujourd’hui, j’ai décidé d’envoyer l’ours en hibernation pendant quelques temps (oui au début de l’été, et alors, au diable les conventions on a dit, non?), et de laisser l’aigle déployer ses ailes engourdies.
Il parait que les grands rapaces ne se posent que très rarement au sol, et préfèrent généralement un promontoire en hauteur pour se poser parce qu’ils savent qu’avec leur envergure et l’amplitude nécessaire dans leur battement d’ailes, leur redécollage sera toujours bien plus compliqué depuis le plancher des vaches.
36 ans déjà que je le foule ce foutu plancher. Et je dois bien admettre que ces dernières années, ce plancher s’était même mis à ressembler à un bourbier qui commençait à engluer méchamment mes ailes. Donc le décollage n’est pas des plus faciles. Mais ceux qui m’aiment, me connaissent et se reconnaîtront savent que c’est ce dont j’ai besoin. Et sans forcément en être conscients, ils m’auront porté jusqu’ici pour m’aider à prendre mon envol, et je leur en serai éternellement reconnaissant.
Car malgré mes angoisses que j’essaie de ne plus ignorer, malgré les craintes qui me nouent l’estomac, malgré les incertitudes qui entourent les changements inévitables qui vont s’opérer naturellement sur les liens que j’ai tissés à travers toutes ces années, j’ai l’intime conviction que cette nouvelle étape de ma vie, quels qu’en soient les enseignements, les déceptions, les découvertes ou les revers, va me permettre de démultiplier l’impact que je peux avoir sur ce monde, et la trace que je pourrai y laisser.
Alors merci à tous ceux qui me soutiennent dans tout ça, désolé pour ce qui l’auront appris tardivement, voire qui l’apprendront ici. Mais je suis sûr que vous le comprenez tous maintenant: ceci n’est pas un changement d’endroit, ce n’est qu’un changement d’échelle, que j’essaierai de documenter ici et ailleurs.
Car je suis convaincu que quoi qu’il m’arrive à moi, c’est une évolution qui nous sera à tous salutaire, à plus ou moins longue échéance, dans une plus ou moins grande mesure, et quels que soient nos contextes ou nos contraintes, ne serait-ce que pour éviter de basculer dans ce repli sur soi qui guette de plus en plus nos sociétés, en ces temps où de plus en plus nombreux sont ceux d’entre nous qui se sentent dépossédés de leur destinée.
Et bien entendu, je suis tout à fait conscient que ce mode de vie n’est pas fait pour tout le monde, et que c’est beaucoup plus compliqué quand on a sa petite famille (on ne peut pas tout avoir hein 😉). Donc ne voyez aucun prosélytisme dans mes propos, juste du partage d’expériences nouvelles.
Je pars en éclaireur, je vous raconterai.
PS: Il y a plein de liens à explorer dans ce post.
PPS: Ne vous inquiétez pas pour le tremblement de terre, tout va bien.